Les artistes au Muséum d'histoire naturelle (1793-1914)
31 janvier 2025 (10h-17h) - auditorium de la Grande Galerie de l'Evolution
Accueil et ouverture de la journée avec présentation des institutions partenaires
Introduction
Une ménagerie portative : la diffusion du savoir français par l’illustration zoologique par Marie-Charlotte Lamy (doctorante à l’Université de Neuchâtel)
Cette communication a pour but d’étudier comment les professeurs du Muséum national d’Histoire naturelle usèrent des arts pour faire la promotion de l’institution afin de financer les travaux relatifs à l’élaboration de la ménagerie. On se focalisera notamment sur l’ouvrage La Ménagerie du Muséum national d’histoire naturelle publié en dix livraisons entre 1801 et 1805 par les professeurs Bernard Germain de Lacépède et Georges Cuvier. Aux textes descriptifs sont joints des planches gravées d’après les vélins exécutés par Nicolas Maréchal et Pierre-François de Wailly (qui occupèrent tous deux la position de peintre de mammifères et oiseaux au Muséum). En tant qu’objet de vulgarisation scientifique, l’ouvrage avait pour but de mettre en avant la détention d’espèces rares à Paris, les études zoologiques menées au sein du Muséum et l’utilité de détenir ces animaux pour la nation française. La Ménagerie devant à l’origine seulement diffuser l’œuvre artistique de Maréchal, on démontrera comment les professeurs se réapproprièrent le projet afin de ficeler un discours tourné vers l’application de la zoologie à l’économie rurale. Cette ménagerie illustrée et portative servit de vitrine au Muséum afin d’être présenté comme une institution rentable, alors qu’en réalité les professeurs usèrent des animaux exclusivement pour l’élaboration de leurs théories scientifiques.
Enseigner la botanique : Van Spaendonck, Redouté et leurs élèves par Luc Menapace (archiviste-paléographe et conservateur des bibliothèques, Bibliothèque nationale de France) et Aliénor Samuel-Hervé (chercheuse associée au département Sciences et techniques de la Bibliothèque nationale de France entre 2019 et 2022)
Le Muséum a joué un grand rôle dans l’illustration naturaliste au 19 e siècle. Dans le domaine de la botanique, Gérard Van Spaendonck et Pierre-Joseph Redouté ont formé nombre d’élèves qui ont formé d’autres élèves à leur tour, diffusant ainsi leur enseignement. Ce corpus d’élèves est inégalement connu. Des travaux comme ceux d’Élisabeth Hardouin-Fugier ont permis d’en connaître plus, mais la tâche est inachevée. Il est vrai qu’il n’est pas toujours facile de retrouver la trace de certaines de ces personnes. En effet, elles comptent une forte proportion de femmes sur lesquelles les informations peuvent faire défaut. Aussi faut-il se tourner vers des sources encore peu exploitées comme les expositions horticoles où apparaissent des peintres de fleurs, complétant ainsi les données disponibles sur le Salon. Une étude de type prosopographique permet de replacer ces élèves dans des réseaux familiaux et professionnels, voire géographiques, comme nous l’a prouvé notre étude sur une de ces élèves, Rosine Bessin-Delaporte.
Les artistes-mouleurs au Muséum et la quête de l’objectivité par Lucia Piccioni (Historienne de l’art, Chargée de recherche CNRS, Centre Alexandre-Koyré. Histoire des sciences et des techniques (UMR 8560 EHESS, CNRS, MNHN))
Au milieu du XIXe siècle, le Musée d’Histoire Naturelle surnommé « le Louvre des sciences naturelles », octroie une place centrale aux moulages. Les scientifiques apprécient cette technique pour sa capacité à reproduire de manière objective les spécimens anthropologiques, zoologiques, paléontologiques ainsi que minéralogiques. À travers cette communication, nous étudierons en particulier les moulages faciaux anthropologiques réalisés sur le vivant par Jean- Benjamin Stahl (1817-1893), figure emblématique du mouleur-voyageur. Il s’agira notamment de problématiser les notions d’objectivité et d’après nature évoquées par les anthropologues pour légitimer l’authenticité de ces artefacts.
Michel-Eugène Chevreul, une figure emblématique du Musée National d’histoire naturelle, au service des arts par Aurore Malmert (Doctorante en troisième année au Centre de Restauration Conservation, Muséum National d’histoire naturelle)
Michel-Eugène Chevreul (1786-1889), plusieurs fois directeur du Muséum national d’Histoire naturelle a durablement marqué de son empreinte cette institution. La bibliothèque du Muséum conserve de nos jours ses archives et en particulier plusieurs éditions de ces cercles chromatiques réalisés pour illustrer ses travaux sur la couleur. Aujourd’hui éclipsés par des systèmes plus récents de classification de la couleur, ces cercles chromatiques méritent pourtant d’être remis à l’honneur pour la prouesse technique de l’étape de gravure-impression ainsi que pour leur rôle central auprès des artistes du XIX ème siècle, en particulier les néo-impressionnistes. L’utilisation de plusieurs techniques analytiques non-invasives et complémentaires dont la spectrométrie de fluorescence X, l’imagerie hyperspectrale dans le visible et des observations par microscope digital, ont permis de lever le voile sur leur conception matérielle et leur technique d’impression. Cette présentation a pour vocation d’évoquer à la fois l’évolution visuelle et matérielle de ces cercles entre 1847 et 1864 et de discuter de leur influence sur le chef d’œuvre néo-impressionniste « Au temps d’harmonie » de P. Signac (1895).
Carême de Fécamp and the dilemma of the scientific artist par Thea Goldring (Lecturer, Princeton University)
En 2023, deux collections de dessins de l’artiste scientifique du XVIIIe siècle Carême de Fécamp ont été découvertes au Muséum national d’histoire naturelle et à l’Académie des sciences. Ces dessins constituent une occasion d’évaluer les défis et les possibilités offerts par le travail artistique caché dans les articles scientifiques conservés au Muséum. Ces œuvres sont souvent exclues à la fois de l’histoire et l’art et des histoires de la science. Cette présentation retrace les racines historiques de cette exclusion, en se penchant d’abord sur l’émergence des académies royales et sur la manière dont elles séparaient les artistes entre ces institutions. La formation du Muséum en 1793 et la répartition des dessins entre cet établissement et la Bibliothèque nationale ont encore renforcé cette division. En examinant la rhétorique entourant la constitution de la collection du Muséum et la nouvelle pédagogie du dessin scientifique, nous examinerons l'hypothèse suivante: la distinction entre la valeur scientifique et artistique qu’on voit à cette période a condamné ces artistes à une position accessoire dans l’histoire de l’art. Enfin, en mettant en parallèle de tels récits, nous analyserons comment ces matériaux offrent un moyen de réévaluer le présupposé traditionnel selon lequel selon lequel le scientifique est à l'origine de la découverte, tandis que l'artiste, en tant que travailleur manuel, illustre passivement les idées du scientifique..
14h30-14h50: Painting species and extinction: Pauline de Courcelles and the Muséum de Paris par Alison McQueen (Professor of Art history, McMaster University)
Cette présentation analysera le rôle de l'artiste en tant qu'acteur au sein du système de naturaliste-collecteur au dix-neuvième siècle. Nous examinerons les interactions complexes entre Pauline de Courcelles (1781-1851; m. Knip 1808-1824) et le Muséum lors de leurs collaborations, quelques exemples de tensions historiques dans le cadre de son travail sur la collection ornithologique entre volonté de satisfaire sa créativité et impératifs économiques, ainsi que l'impact de ses créations.Courcelles a été nommé Premier Peintre d'Histoire Naturelle et ses œuvres font partie intègrante du succès de deux publications affiliées à la collection de l'institution: l'Histoire Naturelle des Tangaras (1805-1807) et l'Histoire Naturelle Générale des Pigeons (1809-1811). À travers sa recherche au Muséum, Courcelles a contribué promouvoir simultanément son statut d'artiste indépendante et la réputation internationale du MNHA comme institution de recherche au cours de la première moitié du dix-neuvième siècle. Il est impératif que nous considérions aussi comment ces relations entre artistes professionnels et chercheurs- collectionneurs, naturalistes - sont liés à la trajectoire historique des pratiques extractives et au le déclin global de la diversité des espèces d'oiseaux.
Les retours de Gustave Moreau au Muséum National d’histoire naturelle par Maud Haon-Maatouk (docteure en histoire de l’art - HAR, Université Paris-Nanterre et chargée de valorisation au Muséum National d’histoire naturelle)
Le musée Gustave Moreau possède, dans ses archives, l’ensemble des cartes et la correspondance du peintre avec le Muséum national d’Histoire naturelle. Ces documents donnent un aperçu des explorations de l’artiste dans ces lieux. Il s’y rend comme simple visiteur, lecteur ou en tant qu’auditeur libre à des cours dans diverses matières scientifiques — chimie, paléontologie et minéralogie. Ses prospections – qui s’étendent de 1853 à 1883 – témoignent, de son attachement au Muséum et de son intérêt particulier pour le monde des sciences. L’analyse de ces archives inédites et de ses œuvres mettra en lumière, la constitution progressive, par Gustave Moreau, de sa poétique singulière du vivant.
François-Auguste Biard, un peintre du Grand Nord au Muséum par Léo Becka (Doctorant à L’institut d’Histoire Moderne et Contemporaine/Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)
Le peintre François-Auguste Biard (1799-1882) a témoigné tout au long de sa carrière d’un grand intérêt pour les sciences. Cette curiosité l’a mené à plusieurs reprises vers le Muséum Nationale d’Histoire Naturelle de Paris, en particulier à l’occasion des expéditions scientifiques de La Recherche qu’il suit avec intérêt avant d’y participer en personne en 1839. Cette communication explorera d’abord la manière dont Biard a tirer profit de ses venues au Muséum pour partir au Spitzberg en compagnie des meilleurs savants de son époque, dans un voyage qui allie objectivité scientifique et subjectivité des arts. Il sera ensuite question de la fresque réalisée par François‐Auguste Biard dans le vestibule de la galerie de géologie du Muséum. Donnant à voir l’équipe scientifique de La Recherche au travail dans un paysage de glaces, ce « panorama » illustre comment le Muséum est devenu, au milieu du XIXe siècle, un des lieux où s’est déployé un imaginaire boréaliste empreint d’une idéologie impérialiste et extractiviste.
Jürg Kreienbühl, Stéphane Belzère la persistance des lieux par Samuel Cordier (Conservateur du patrimoine, directeur du Musée zoologique de la ville de Strasbourg) et Stéphane Belzère (artiste-plasticien)
La communication proposée a pour objectif d’explorer le contexte et les œuvres réalisées au Muséum National d’Histoire Naturelle par deux artistes, Jürg Kreienbühl (1932-2007) et Stéphane Belzère, entre 1980 et 2005. Si leurs projets et démarches diffèrent, leurs œuvres permettent à des lieux aujourd’hui disparus – une galerie d’exposition et des réserves – de continuer à exister. Le premier travaille entre 1980 et 1988 principalement dans la Galerie de Zoologie, le second se concentre entre 1995 et 2004 sur la salle des pièces molles du Laboratoire d’anatomie comparée du Muséum. Tous deux représentent des lieux dont la configuration actuelle a évolué.
L’objet de la communication est d’explorer le contexte et les œuvres réalisées au Muséum par ces deux artistes. Toutes deux documentent des périodes clés de l’histoire du muséum. Jürg Kreienbühl appartient à une génération de peintres pour laquelle le Muséum redevient après-guerre un lieu de création pour des artistes figuratifs. Stéphane Belzère, étudiant à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts quand il arrive au Muséum, peine à trouver sa place en tant que peintre figuratif dans une génération d’artistes plasticiens qui utilisent d’autres supports.
Conclusion
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